Tallion laissait son regard suivre les collines et le soleil couchant de la région. Cela faisait maintenant quelques heures qu’ils étaient entrés dans le territoire de Roland le Borgne, et la calèche suivait difficilement la petite route montant dans la montagne. Il se retourna vers ses compagnons de voyage et les examina discrètement.
Charles aurait pu se faire passer pour un chevalier, mais son bouclier sans héraldique et les veines aux couleurs changeantes qu’on voyait remonter au niveau de son cou, au dessus de son armure, le trahissaient. Il s’agissait bien d’un corrompu. Pierrot, à côté, ne laissait aucune place au doute, il était immense et ses vêtements déchirés laissaient voir une pilosité presque animale sur son corps ainsi que de terribles cicatrices qui aurait laissé un humain sur une civière, ou dans un cimetière.
Cela faisait bien longtemps que Tallion ne s’était pas retrouvé avec d’autres corrompus. Il n’était pas difficile de réaliser qu’ils ne seraient pas bien reçus en arrivant à Vareshiben. De son côté, même s’il essayait de bien se présenter pour ne pas effrayer les gens, ses yeux dorés et ses tatouages révélaient sa véritable nature. Avec deux épées à la ceinture et son armure de cuir clouté, il n’inspirait pas confiance non plus.
Leur employeur, Phébastien III, les avait chargés de récupérer la couronne de Pharon, une relique permettant supposément d’exaucer tous les voeux de son porteur. Tallion n’en croyait pas un mot, mais Phébastien payait, et il payait bien en plus. Il n’y avait réellement que deux petits soucis : le premier, c’est que du groupe de cinq hommes envoyés par Phébastien pour récupérer la couronne la dernière fois, seulement un était revenu, et trop traumatisé pour raconter quoi que ce soit. Le deuxième, c’est que la crypte où devrait se trouver la couronne était dans les terres de Roland le Borgne, un grand opposant de Phébastien, qui ne tolérerait pas que ce dernier envoie des corrompus dans son comté.
Tallion jugea bon de se mettre d’accord avec ses compagnons sur une histoire, juste au cas où.
- Bon, les gars, on approche, commença-t-il en se penchant vers ses camarades. Il serait plus sage de passer la nuit en ville, et nous prendrons la direction de la crypte demain matin. Si jamais les locaux sont trop curieux, on dit qu’on se dirige vers les terres de Frederik, derrière les montagnes, et pas un mot sur Phébastien, ou les hommes de Roland essaieront de nous envoyer directement dans leurs geôles. Les deux corrompus hochèrent la tête en assentiment.
- D’ailleurs, tu connais bien Phébastien, Tallion ? Il est fiable ? demanda Charles avec un air entendu.
- C’est pas la première fois que je lui sers de chasseur de primes, et il a toujours payé si c’est ce qui t’inquiète. Le large chevalier parut quelque peu rassuré.
- Mais si vous voulez mon avis, repris Tallion, il a juste trop d’argent. Cette couronne, c’est son dernier caprice et le temps qu’on rentre il aura une nouvelle idée saugrenue. C’est un peu fatiguant, mais au moins, ça veut dire qu’il y a toujours du travail.
Le groupe échangea quelques mots de plus, avant d’être interrompu par deux grands coups sur la paroi avant de la calèche.
- Z’êtes arrivés, messieurs !
Tallion sortit le premier. Il fit un signe de tête pour remercier le cocher, puis regarda autour de lui. Vareshiben était un village miteux comme il en avait trop connu : une taverne, une vingtaine de maisons et deux ou trois échoppes.
Charles sortit un savon de son sac et le lança à Pierrot :
- Va te laver dans les écuries, si tu rentres comme ça, on nous laissera pas dormir sur place. Pierrot grogna d’un air menaçant, mais prit malgré tout la direction des écuries.
Tallion entra dans la taverne, il fut accueilli par le bruit des conversations animées de paysans, l’odeur de la bière et de la viande chaude, et la chaleur du feu de la cheminée. Mais à peine avait-t-il fait un pas que l’animation fut soudainement remplacée par un silence tendu. Avec un soupir résigné, Tallion prit la direction du bar.
- On va vous prendre à manger pour trois, et une chambre, annonça-t-il au vieux tavernier. Alors que les regards de la plupart des clients étaient teintés de peur, celui du tavernier était simplement calculateur. D’un oeil attentif, il jaugea les nouveaux venus.
- Bien sûr, bien sûr. Installez-vous à la table du fond, vous serez plus tranquilles, répondit-il finalement après quelques secondes, en pointant du doigt une table dans un coin isolé.
Un jeune homme, qui devait encore être adolescent, cracha aux pieds de Charles quand celui-ci passa à côté de sa table. Le corrompu posa une main sur son pic de guerre.
- T’as un problème, morveux ?
- Vous êtes pas les bienvenus ici, corrompus. Le gamin ne manquait pas de cran, ça, c’était clair.
- Charles, laisse. J’ai soif et vraiment pas envie de dormir à la belle étoile, intervint Tallion.
À contrecoeur, Charles laissa le fanfaron et vint s’installer à côté de Tallion. Quelques instants plus tard, Pierrot entra à son tour dans la taverne et se dirigea vers eux dès qu’il les aperçut. Le même jeune rebelle cracha de nouveau aux pieds du géant, qui rugit immédiatement à quelques centimètres de sa tête, révélant des dents acérées qui aurait fait envie à un loup. Le jeune blêmit et ne dit pas un mot, s’accrochant à sa chaise pour ne pas en tomber. Pierrot rejoignit les deux autres corrompus et rendit son savon à Charles, noir de saleté et plein de poils.
- Et voilà, messieurs. Le tavernier venait de leur apporter trois pintes de bières.
- Vous prendrez tous les trois le ragoût ? Les voyant acquiescer, il continua :
- Si je puis me permettre, qu’est ce que trois voyageurs comme vous viennent faire a Vareshiben ? C’est un endroit perdu.
- Nous rejoignons les terres de Frederick a l’Est. On espère y trouver du travail. Le vieil homme hésita quelques instants, puis se décida :
- Ce n’est pas le chemin le plus rapide. Ni un arrêt nécessaire. Je pense savoir ce que vous êtes vraiment venu faire, et je vous en prie: partez. Personne n’est jamais revenu de la crypte.
- Si tu connaissais déjà la réponse, pourquoi tu poses la question, vieil homme ? Ce que nous faisons ici ne te regarde pas plus que ça. Nous partirons demain à l’aube vers l’Est et nous ne remettrons jamais les pieds ici. Ça devrait te suffire.
- Nombreux sont les groupes d’aventuriers qui ont tenté d’explorer cette crypte. Aucun n’est jamais revenu. Vous ne devriez pas y aller, conclut le tavernier en retournant vers les cuisines.
Le tavernier revint un peu plus tard avec trois assiettes qu’il posa devant les corrompus. Les conversations avaient repris dans la taverne, mais plus discrètement qu’avant leur arrivée, et quelques regards se perdaient encore dans leur direction. Tallion se savait pas si c’était cette tension ambiante, ou bien ses sens plus aiguisés de corrompus qui le gênaient, mais son instinct lui soufflait que quelque chose clochait. Il approcha une cuillère de ragoût près de sa bouche avant de s’arrêter net. Une odeur très discrète, presque imperceptible, s’échappait du plat. Une odeur qui n’avait pas sa place parmi les ingrédients supposés.
Il échangea un regard avec Pierrot, qui reniflait également son assiette d’un air suspicieux, puis la repoussa en lui faisant un signe de tête. Tallion se tourna ensuite vers Charles et constata avec désespoir qui celui-ci avait déjà englouti tout le contenu de son plat, sans remarquer la moindre anomalie.
Les corrompus firent disparaître leurs assiettes, puis prirent la direction de l’étage et de leur chambre. Ce n’était probablement qu’une illusion, mais Tallion était sûr que le jeune homme qui les avait provoqués les suivait du regard alors qu’ils montaient l’escalier. Et ses yeux devaient lui jouer des tours, mais le paysan avec qui il parlait semblait dissimuler un long couteau sous sa veste.
Leur chambre était spartiate: deux lits superposés, un tapis et une fenêtre. Par précaution, Tallion posa l’une de ses deux épées sur la poignée de la porte, de façon à ce qu’elle tombe si celle-ci s’ouvrait de l’extérieur. Il garda l’autre lame bien proche de lui, dans sa couche. Quelque chose n’allait pas dans ce village, et Tallion eut du mal a trouver le sommeil. Il commencait enfin à sombrer petit à petit dans un repos calme et réparateur, quand un bruit sourd se fit entendre. Son épée venait de tomber au sol.
Gardant les yeux fermés mais resserrant sa main sur la poignée de son épée, Tallion attendit quelques secondes. Il sentit la porte s’ouvrir lentement, repoussant l’arme un peu plus loin sur le sol.
- Je crois que c’est bon, ils ont rien entendu, le poison a dû bien les assommer, chuchota une voix, se rapprochant petit a petit. Je prends celui du bas, occupe-toi de celui du haut.
Tallion n’attendit pas plus. Il se propulsa hors du lit par une extrémité et se redressa, son épée pointée vers l’un des nouveaux venus. Il constata avec satisfaction que le second intrus avait la dague de Pierrot sous la gorge, et que le grand sauvage lui tenait la tête fermement.
-
Lâches ton arme, toi. Eh, Charles ? Charles, réveille-toi ! tenta tallion, secouant la jambe du guerrier, sans succès.
-
Donne moi une seule bonne raison de pas t’étriper, lança Pierrot au jeune homme qu’il tenait à sa merci. Maintenant qu’il s’était habitué a l’obscurité, Tallion reconnut celui qui les avait provoqués plus tôt dans la soirée.
-
Ça revient au même de toute façon. Si vous allez dans la crypte, on finira crevé nous aussi, gémit-il.
-
Qu’est ce que tu veux dire par là ? demanda Tallion.
-
Personne revient jamais vivant de la crypte. Mais nous, quelques jours plus tard, on se fait attaquer par les corps réanimés des derniers explorateurs. Mon père est mort dans la dernière attaque. On n’en peut plus. On a pas les moyens de partir, et le comte envoie personne pour nous aider. Le gamin éclata en sanglot en finissant sa phrase.
-
Je suis désolé, petit. Mais on a un job à finir. Et puis, on est de bons combattants. Votre problème de crypte, on va le régler. Vous serez tranquille après ça.
-
Ils ont tous dit ça ! Et c’est toujours nous qui payons à la fin. Les corrompus, les nobles… vous êtes tous pareil, de toute façon. Vous vous en foutez de nous !
-
Attachons-les, Pierrot. J’ai pas envie de faire couler du sang inutilement ce soir, déclara Tallion en récupérant une corde dans son sac.
Les deux jeunes ne résistèrent pas plus que ça, la poigne de Pierrot était beaucoup trop puissante pour eux.
Charles dormait toujours d’un sommeil de plomb. Tallion s’apprêtait à demander à leur prisonnier ce qu’il y avait dans le ragoût, quand un bruit retentit derrière lui. Il se retourna et vit les deux captifs assomés dans un coin de la pièce. Pierrot se tenait au-dessus d’eux, un sourire narquois sur les lèvres.
- Ils feront pas de bruit comme ça.
Les deux corrompus essayèrent de retrouver le sommeil, mais moins d’une heure plus tard, ils furent réveillés par quelqu’un tambourinant à la porte.
- Des zombies ! Des zombies arrivent ! Venez nous aider, s’il vous plaît ! Je vous en prie, on a besoin d’aide ! Tallion reconnut la voix du tavernier et se redressa en grognant.
- Mais putain, on peut jamais dormir dans cette ville maudite !
Il se leva et vérifia l’état de leurs deux prisonniers. Derrière lui, Pierrot enfilait un bout d’armure tout en secouant violemment Charles.
- Qu’est-ce qui se passe ? J’ai l’impression qu’un ogre m’est passé dessus… C’est qui, ces deux-là ? demanda Charles en se réveillant difficilement.
- Pas le temps d’expliquer. C’est l’heure de se battre.
Les corrompus s’équipèrent aussi vite que possible et descendirent au rez-de-chaussée de l’auberge. En passant près d’une fenêtre sale, Tallion aperçut quelques silhouettes à l’extérieur. Il s’arrêta quelques instants, plissant les yeux pour mieux voir ce qui les attendait pendant que ses compagnons sortaient.
Dehors, six hommes, dont le tavernier, se tenaient devant la sortie, leurs fourches pointées dans leur direction.
- Il est temps d’entendre raison, corrompus, commença le vieil homme. Partez. Laissez ce village derrière vous.
Tallion soupira. Phébastien leur avait promis leur poids en or. Un corrompu ne peut pas se permettre de refuser ce genre d’offre. Il n’avait pas besoin d’entendre la réponse de Charles pour comprendre que ça allait tourner au bain de sang.
Le guerrier tenait son pic de guerre dans une main, son bouclier dans l’autre. Il tourna la tête vers Pierrot, et le reflet d’une torche illumina ses yeux, qui virèrent au rouge sang. Pierrot dégaina une dague de sa ceinture, puis rugit en direction de la lune. Les deux corrompus se jetèrent alors sur les paysans.
Six paysans n’avaient pas la moindre chance contre trois corrompus. Mais Tallion n’était pas du genre a prendre des risques. Il se jeta à travers la fenêtre, atterrit en roulade, et posa la main au sol. Un afflux d’énergie traversa son corps en remontant le long de son bras. Le tatouage sur son bras gauche s’embrasa. Lorsqu’il ne put plus contenir la force qui le traversait, Tallion hurla et leva le bras en direction des deux paysans les plus à droite. Un mur de plus de deux mètres surgit du sol dans un fracas de pierre, projetant des cailloux tout autour et coupant l’allée en deux, avec deux paysans bloqués de l’autre côté.
Sur la gauche, Charles repoussait les assauts de deux adversaires et projeta l’un d’eux au sol d’un puissant coup de bouclier. Au centre, Pierrot avait réussi à entailler le bras du tavernier tout en esquivant les ripostes précises de l’épée de ce dernier.
Le dernier paysan de ce côté du mur tenta d’embrocher Tallion avec sa fourche. Le corrompu fit un pas de côté, puis se fendit en avant. Sa lame ouvrit profondément la cuisse de l’assaillant, qui cria de douleur. De l’autre côté, les deux paysans bloqués par le mur étaient en train de l’escalader et seraient sur lui dans quelques instants.
Dans son dos, un craquement sinistre retentit lorsque le pic de guerre de Charles fracassa la mâchoire de l’un de ses adversaires, le tuant sur le coup. Pierrot, lui, évitait toujours les coups du vieux tavernier, qui se révélait être un bien meilleur bretteur qu’il ne l’avait laissé paraître au premier abord.
Tallion fit un pas en arrière et observa ses trois adversaires. Il sourit, cela lui rappelait les arènes de sang du Sud où il avait grandi. Il avait déjà affronté bien plus nombreux.
Il ouvrit sa garde, s’exposant volontairement pour provoquer une attaque. L’un des paysans tomba dans le piège et s’élança pour porter un coup de fourche. Tallion se décala, attrapa la fourche d’une main et tira violemment, faisant trébucher son pauvre porteur, qui s’effondra en avant. Il fut aussitôt cueilli par la lame de l’ancien gladiateur, qui lui trancha la gorge.
Dans le même mouvement, Tallion tourna sur lui-même pour éviter un coup de l’ennemi à sa droite, puis se jeta sur celui qui était déjà blessé, alternant les attaques hautes et basses pour le forcer à reculer et appuyer sur sa jambe meurtrie. Le sentant faiblir, il feinta une dernière fois, passa sous le bras du paysan, et lui ouvrit les entrailles.
Un cri se fit entendre derrière lui : Pierrot avait fini par trouver une faille, et sa dague était plantée dans le torse du tavernier. Leur chef tombant au sol, les deux derniers paysans prirent la fuite.
- Je voulais seulement protéger mon village… furent les dernier mots du vieux guerrier.
Tallion contempla les cadavres des hommes. Une fois l’adrénaline du combat retombée, il ne restait plus que la honte et la tristesse. Il n’éprouvait aucun plaisir à tuer. Ils les avaient forcés à se battre, mais tout cela n’était que du gâchis. Il lança un regard à ses deux compagnons : Pierrot arborait un sourire cruel, et Charles pestait contre l’imbécilité de ces hommes qui avaient osé s’en prendre à lui. Tallion essuya sa lame sur la tunique d’un des morts.
- La ville la plus proche est à moins d’une heure à cheval. Nous ferions mieux de décamper immédiatement. Passons à la crypte, puis nous fuiront par les montagnes.
La troupe de corrompus pris la direction du cimetière sans échanger un mot de plus. Charles sortit une torche de son sac, et, tandis qu’il cherchait son briquet, Tallion enflamma sa main et alluma la torche de son compagnon. Profitant de la lumière, il saisit une fiole d’huile accrochée à sa ceinture et en enduisit son arme. S’il devait affronter des zombies, il aurait besoin que sa lame soit la plus efficace possible.
La nuit était désormais sombre, et les deux seules sources de lumière étaient la torche de Charles et la main enflammée de Tallion. Après une bonne demi-heure de marche, ils atteignirent leur destination. Le cimetière était étonnamment vaste, peut-être un reste lors d’un grand conflit oublié des temps passés ?
Le hululement des chouettes les accompagnait alors qu’ils arpentaient les allées, cherchant le mausolée qui leur permettrait d’accéder à la crypte où reposait la couronne de Pharon.
Alors qu’ils s’enfonçaient plus profondément dans les lieux, des bruits inquiétants leur glacèrent le sang. Une tombe s’écroula, et un zombie de près de trois mètres surgit de l’obscurité pour percuter Charles de plein fouet, l’envoyant valdinguer dans une autre sépulture. Les deux autres n’eurent pas le temps de réagir : ils furent aussitôt assaillis de toutes part par d’autres zombies, plus petits. Certains arboraient encore les couleurs de Phébastien. C’était les éclaireurs de la précédente expédition.
Du sang se mis à couler des cicatrices de Pierrot qui envoya une nuée de mouches purulentes qui tourbillonnèrent autour de l’énorme zombie. Charles, à peine remis sur pied, repoussait deux ou trois morts-vivants autour de lui en tentant de rester hors de portée du colosse réanimé.
Tallion frappait de tous côtés, ouvrant des plaies béantes dans les chairs putréfiés. Les zombies tombaient, puis se relevaient avec lenteur et maladresse, mais malgré leur acharnement, il se fraya un chemin jusqu’au géant. Il planta son épée à plusieurs reprise dans la masse imposante de son adversaire, mais rien n’y faisait. Il bondit en arrière pour éviter un violent revers de bras, et dans le même élan, décapita un zombie qui s’approchait sur son flanc. Il s’aperçut avec satisfaction que la créature ne se relevait pas.
Charles s’était repris, les têtes des zombies qui l’assaillait explosaient sous ses coups et volaient à plusieurs mètres de distance. Pierrot, quand à lui, ne ressemblait plus à un homme, ses dents et ses ongles s’étaient transformés en crocs et en griffes, et il déchiquetait les chairs comme s’il s’agissait de simple tissu.
Une grenade incendiaire explosa au pied du géant, qui commençait visiblement à faiblir. La horde de zombie, elle aussi, semblait s’amenuiser. Charles et Pierrot étaient mal en point, mais les corrompus reprenaient espoir. C’est alors que d’énormes pas résonnèrent de nouveau, hors de leur champs de vision. Un autre géant émergea des ombres, droit vers Tallion. Ce dernier esquvia de justesse les griffes du monstre, mais la masse de l’énorme mort-vivant le projeta tout de même contre une pierre tombale un peu plus loin.
Charles attrapa une fiole à sa ceinture et en vida le contenu dans sa bouche. Ses veines saillantes se teintèrent d’un liquide vert, et il hurla de douleur avant de se relancer dans la mêlée avec une vigueur renouvelée.
Pierrot lança un nouvel appel à la lune, puis bondit sur le géant affaibli avec une rage décuplée. la créature finit par s’effondrer sous les coups de griffes répétés du corrompu métamorphe.
Le tatouage sur le bras droit de Tallion s’embrasa alors qu’il se ruait sur le second géant. Une avalanche de coups s’abbatit sur le mastodonte, qui recula sous les assauts répétés du duelliste. Charles chargea le monstre dans le dos et lui enfonça son pic de guerre dans le crâne. La créature resta figée un instant, puis s’écroula aux pieds des deux corrompus.
- Pauvres paysans… Si c’était pas nous qui les avions tués, ces choses-là l’auraient fait sans aucun doute, cracha Charles en reprenant son souffle.
- J’espère que c’était le dernier. On récupère la couronne de Pharon et on s’arrache. Je veux pas rester un instant de plus dans cet endroit maudit, ajouta Tallion.
Le trio explora plus loin dans le cimetière et finit par trouver la crypte contenant l’objet de leur quête. Lorsqu’ils y pénétrèrent, ils virent la couronne de Pharon flotter au dessus du sol, au centre de la pièce. Pierrot s’apprêtait à la récupérer quand une grille se referma brutalement sur l’entrée de la crypte.
Un fantôme apparut soudainement :
- Je ne pensais pas que des aventuriers arriveraient ici si tôt. Mais c’était très divertissant. Vous êtes fort, très fort, dit une voix spectrale en riant.
- On est venu pour la couronne, Pharon. Donnes-la-nous et nous n’aurons aucune raison de te renvoyer d’où tu viens, lança Tallion.
- Tss tsss… Mais la couronne est à vous, mes chers, vous qui êtes arrivés jusqu’ici. Cependant, je n’en ai qu’une seule, et vous êtes trois. Seul le plus fort d’entre vous pourra s’en emparer, et je me repaîtrai de l’énergie des deux vaincus.
- Calmez-vous, les gars. Ce n’est qu’un vieux fantôme. On peut s’en sortir, dit Tallion en regardant les deux autres.
- Ouais, ou alors on fait comme il dit, répondit Pierrot avant de se métamorphoser et de se jeter sur Charles, qui lui tournait le dos.
L’impact projeta le guerrier au sol, mais avant que l’homme-bête n’arrive sur lui, Charles s’était déjà relevé et bloqua le coup de griffe de Pierrot avec son bouclier.
Le fantôme éclata de rire..
- Je sais sur qui je parie!
Il claqua des doigts, et la couronne vint se poser sur la tête de Pierrot, qui sembla s’emplir d’énergie à son contact.
Peut-être surpris par les effets de la couronne, Pierrot ne réagit pas assez vite. Charles le frappa d’un violent coup de pic de guerre en plein torse, ouvrant une large plaie qui vint s’ajouter à ses nombreuses cicatrices.
- Bien, bien, tue-le ! cria Pharon, tandis que la couronne s’envolait à nouveau pour venir se poser sur la tête de Charles.
Tallion s’était éloigné des deux autres. Il cherchait une issue, ou un moyen de régler son compte au fantôme, mais rien ne lui sautait aux yeux. Il se retourna juste à temps pour voir Pierrot lui bondir dessus et lui mordre sauvagement le bras gauche. D’un coup de pied, il se dégagea et se repositionna à quelques mètres. Charles chargea, il percuta Tallion avec son bouclier, puis frappa Pierrot d’un nouveau coup de pic.
Tallion les observa tous les deux d’un oeil sombre. Sa lame s’enflamma, et les tatouages sur ces deux bras commencèrent à briller tandis qu’il absorbait l’énergie autour de lui. Il ignorait quelle folie habitait ses compagnons, mais il savait qu’il ne serait pas de ceux qui mourraient aujourd’hui. Il se jeta sur ses anciens alliés, alors que la couronne venait se poser délicatement sur sa tête.